Fable

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Fable, (Belles-Lettr.)

[Belles-Lettres] Marmontel (Page 6:349)

Aus: Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, etc., eds. Denis Diderot and Jean le Rond d'Alembert. University of Chicago: ARTFL Encyclopédie Project (Spring 2013 Edition), Robert Morrissey (ed), http://encyclopedie.uchicago.edu/.


Fable, (Belles - Lettr.) fiction morale. Voyez Fiction.

Dans les poëmes épique & dramatique, la fable, l'action, le sujet, sont communément pris pour synonymes; mais dans une acception plus étroite, le sujet du poëme est l'idée substantielle de l'action: l'action par conséquent est le développement du sujet, l'intrigue est cette même disposition considérée du côté des incidens qui nouent & dénouent l'action.

Tantôt la fable renferme une vérité cachée, comme dans l'Iliade; tantôt elle présente directement des exemples personnels & des vérités toutes nues, comme dans le Télémaque & dans la plûpart de nos tragédies. Il n'est donc pas de l'essence de la fable d'être allégorique, il suffit qu'elle soit morale, & c'est ce que le P. le Bossu n'a pas assez distingué.

Comme le but de la Poésie est de rendre, s'il est possible, les hommes meilleurs & plus heureux, un poëte doit sans doute avoir égard dans le choix de son action, à l'influence qu'elle peut avoir sur les moeurs; &, suivant ce principe, on n'auroit jamais dû nous présenter le tableau qui entraîne OEdipe dans le crime, ni celui d'Electre criant au parricide Oreste: frappe, frappe, elle a tué notre pere.

Mais cette attention générale à éviter les exemples qui favorisent les méchans, & à choisir ceux qui peuvent encourager les bons, n'a rien de commun avec la regle chimérique de n'inventer la fable & les personnages d'un poëme qu'après la moralité; méthode servile & impraticable, si ce n'est dans de petits poëmes, comme l'apologue, où l'on n'a ni les grands ressorts du pathétique à mouvoir, ni une longue suite de tableaux à peindre, ni le tissu d'une intrigue vaste à former. Voyez Epopée.

Il est certain que l'Iliade renferme la même vérité que l'une des fables d'Esope, & que l'action qui conduit au développement de cette vérité, est la même au fond dans l'une & dans l'autre; mais qu'Homere, ainsi qu'Esope, ait commencé par se proposer cette vérité; qu'ensuite il ait choisi une action & des personnages convenables, & qu'il n'ait jetté les yeux sur la circonstance de la guerre de Troye, qu'après s'être décidé sur les caracteres fictifs d'Agamemnon, d'Achille, d'Hector, &c. c'est ce qui n'a pû tomber que dans l'idée d'un spéculateur qui veut mener, s'il est permis de le dire, le génie à la lisiere. Un sculpteur détermine d'abord l'expression qu'il veut rendre, puis il dessine sa figure, & choisit enfin le marbre propre à l'exécuter; mais les évenemens historiques ou fabuleux, qui sont la matiere du poëme héroïque, ne se taillent point comme le marbre: chacun d'eux a sa forme essentielle qu'il n'est permis que d'embellir; & c'est par le plus ou le moins de beautés qu'elle présente ou dont elle est susceptible; que se décide le choix du poëte: Homere lui - même en est un exemple.

L'action de l'Odyssée prouve, si l'on veut, qu'un état ou qu'une famille souffre de l'absence de son chef; mais elle prouve encore mieux qu'il ne faut point abandonner ses intérêts domestiques pour se mêler des intérêts publics, ce qu'Homere certainement n'a pas eu dessein de faire voir. De même on peut conclure de l'action de l'Enéïde, que la valeur & la piété réunies sont capables des plus grandes choses; mais on peut conclure aussi qu'on fait quelquefois sagement d'abandonner une femme après l'avoir séduite, & de s'emparer du bien d'autrui quand on le trouve à sa bienséance; maximes que Virgile étoit bien éloigné de vouloir établir.

Si Homere & Virgile n'avoient inventé la fable de leurs poëmes qu'en vûe de la moralité, toute l'action n'aboutiroit qu'à un seul point; le dénouement seroit comme un foyer où se réuniroient tous les traits de lumiere répandus dans le poëme, ce qui n'est pas: ainsi l'opinion du pere le Bossu est démentie par les exemples mêmes dont il prétend l'autoriser.

La fable doit avoir différentes qualités, les unes particulieres à certains genres, les autres communes à la Poésie en général. Voyez pour les qualités communes, les articles Fiction, Intérêt, Intrigue, Unité , &c. Voyez pour les qualités particulieres, les divers genres de Poésie, à leurs articles. Sur - tout comme il y a une vraissemblance absolue & une vraissemblance hypothétique ou de convention, & que toutes sortes de poëmes ne sont pas indifféremment susceptibles de l'une & de l'autre, voyez, pour les distinguer, les articles Fiction, Merveilleux & Tragédie. Article de M. Marmontel.