Echo (Frz.)
Echo, (Poesie.)
[Poésie] Jaucourt (Page 5:264)
Echo, (Poésie.) sorte de poésie, dont le dernier mot ou les dernieres syllabes forment en rime un sens qui répond à chaque vers: exemple, Nos yeux par ton éclat sont si sort éblouis Louis, Que lorsque ton canon qui tout le monde étonne Tonne, &c. Cela s'appelle un écho; nous n'en sommes pas les inventeurs, les anciens poëtes grecs & latins les ont imaginés, & la richesse ainsi que la prosodie de leur langue, s'y prêtoit avec moins d'affectation. On en peut juger par la piece de Gauradas, qu'on lit dans le livre IV. chap. x. de l'anthologie; l'épigramme de Léonides, liv. III. ch. vj. de la même anthologie, est encore une espece d'écho. Il y avoit des poëtes latins, du tems de Martial, qui, à l'imitation des grecs, donnerent dans cette bisarrerie puérile, puisque cet auteur s'en moque, & qu'il ajoûte qu'on ne trouvera rien de semblable dans ses ouvrages.
Lors de la naissance de notre poésie, on ne manqua pas de saisir ces sortes de puérilités, & on les regarda comme des efforts de génie. L'on trouve même plusieurs échos dans le poeme moderne de la sainte - Baume du carme provençal: ce qui m'étonne, c'est que de pareilles inepties ayent plû à des gens de lettres d'un ordre au - dessus du commun. M. l'abbé Banier cite comme une piece d'une naïveté charmante, le dialogue composé par Joachim du Bellay, entre un amant qui interroge l'écho, & les réponses de cette nymphe: voici les meilleurs traits de ce dialogue; je ne transcrirai point ceux qui sont au - dessous.
Qui est l'auteur de ces maux avenus? Venus. Qu'étois - je avant d'entrer en ce passage? Sage. Qu'est - ce qu'aimer, & se plaindre souvent? Vent. Dis - moi quelle - est celle pour qui j'endure? Dure. Sent - elle bien la douleur qui me point? Point.
Mais si ces sortes de jeux de mots faisoient sous les regnes de François I. & d'Henri II. les délices de la cour, & le merite des ouvrages d'esprit des successeurs de Ronsard, ils ne peuvent se soûtenir contre le bon goût d'un siecle éclairé. On sait la maniere dont Alexandre récompensa ce cocher, qui avoit appris, après bien des soins & des peines, à tourner un char sur la tranche d'un écu, il le lui donna.
Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.
Quelle: Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 5:264 (Paris, 1755).